Formé chez Jacques Martin (l'auteur d'"Alix") à la dure école de l'assistanat, il se roda ensuite chez Hergé, durant une quinzaine d'années, au travail précis des décors et du dessin technique : la modernisation des véhicules de "L'Ile noire", c'est lui, de même que la gare de Nyon dans "L'Affaire Tournesol" et le jet du milliardaire Carreidas dans "Vol 714 pour Sydney". De nombreux travaux ingrats lui apprendront la rigueur du métier. "J'ai pris à Hergé son plus gros défaut: la maniaquerie. Mais également le fait de croire à son personnage. Je crois en Yoko comme lui croyait en Tintin. C'est ce qui fait que le lecteur peut y croire aussi." Roger Leloup y apprit également les règles d'une bande dessinée classique dans la tradition de laquelle il se situe ouvertement : la précision minutieuse des détails, les scénarios vraisemblables, même dans les récits les plus fantastiques, servent d'écheveau à une oeuvre romantique d'envergure. "J'ai une formule qui résume ma vision du métier : je ne suis pas ingénieur, mais j'essaie de me montrer ingénieux." C'est en 1968, la nuit de Noël, que Roger Leloup esquissa pour la première fois le délicat minois d'une jolie Japonaise. Il frappe à la porte de la Rédaction de SPIROU en 1969, recommandé par Peyo avec qui il avait également collaboré. Sous le bras, une première ébauche du "Trio de l'Étrange", la première aventure de Yoko Tsuno. Un an plus tard, elle faisait son apparition dans les pages du journal. "Depuis, grâce à Yoko, je réalise mes rêves de jeunesse. Elle a le courage, le sang-froid, la confiance qui m'ont toujours fait défaut." Il n'aura pas fallu vingt albums pour imposer Roger Leloup comme l'un des tout grands auteurs de la bande dessinée contemporaine, capable de nous emporter, le plus simplement du monde, dans le passé de l'histoire des hommes ou sur une planète située à des millions d'années-lumière de notre planète. Ce raconteur d'histoires, doué et minutieux, a installé un univers imaginaire cohérent d'un bout à l'autre, autour d'une héroïne en plein accord avec son siècle. Une héroïne au sens noble du terme : humaine, tolérante, respectueuse des autres même de ceux qui se sont trompés de chemin.

Ce n'est pas un hasard si des centaines de milliers de lecteurs de par le monde se passionnent pour cette jeune Japonaise apparemment si éloignée d'eux. C'est qu'elle a su trouver le seul langage universel : celui du coeur.

Roger Leloup se place ainsi parmi les rares humanistes de la bande dessinée. " Mon secret, avoue-t-il, c'est que je continue à regarder le monde avec l'émerveillement d'un enfant."